Merci Rimbaud pour cette jolie phrase que je vole sans vergogne. Quitte à piller, autant commettre mes larcins chez les plus grands 😉

Par ces mots, notre ami Arthur (oui, entre écrivains, nous sommes tous très intimes (j’essaye de suivre les conseils de Séverine, mon amie de toujours, en frimant un peu)) parle de l’artiste comme n’étant pas responsable de son oeuvre. Le « je », comme sujet d’action, est sorti de l’artiste, il lui échappe. L’auteur n’est pas le créateur, il est le passeur d’une inspiration, d’une idée, qui lui échappe totalement. Et tu sais quoi, mon Tutur (oui, maintenant qu’on se connaît très bien depuis le début de ce post, nous sommes encore plus intimes), je suis totalement d’accord avec toi.

Plusieurs personnes m’ont demandé d’où venait l’idée de « Votre dernier mot », mon premier roman (qui est toujours en vente :p ). Et, justement, je n’en sais rien. Cette idée s’est emparée de moi … elle est passée dans les méandres de mon cerveau fatigué et je l’ai kidnappée. Mais je n’en suis pas réellement l’auteur. Elle est le fruit de tout ce que j’ai lu, de tout ce que j’ai vu, de mes expériences passées, de mes instants de solitude (j’en profite donc pour remercier chaleureusement toutes les filles qui ont eu la délicatesse de ne pas s’intéresser à moi durant mon adolescence … et dire que je m’en plaignais à l’époque … quel idiot ! je n’avais pas compris que vous faisiez ça pour mon bien). Oui, tout ce que j’ai pu ressentir a joué en rôle dans ce que je suis et ce que je pense. Mais dans cette kyrielle d’événements passés, il y a des petits bouts de gens (non, je ne les ai pas découpés, c’est une métaphore (même si, pour certains, l’envie était tenace)), des morceaux de vous, chers frétilleurs. Je est un autre. Je est un peu Vous. Je est le fruit du mélange entre les contextes, vous et moi. Par contre, calmez-vous tout de suite, ça ne veut pas dire que je partagerai les droits d’auteur avec vous :p

Mais ce « je est un autre », je le prends aussi d’une autre façon, pardon mon Chéri (oui, depuis qu’Arthur Rimbaud et moi vivons dans le même bille de blog, nous sommes à un niveau d’intimité qui ferait rougir n’importe qui et rendre jaloux Paul Verlaine). En effet, quand j’écris, j’ai l’impression de ne plus être totalement moi. A moins que, justement, c’est quand je n’écris pas que je ne suis pas moi. Allez savoir. En tout cas, ce que je suis dans la vie, ce que je donne à voir de moi, ne correspond en rien à ce que je suis quand mes doigts galopent gaiement sur les touches de mon clavier qui, émoustillé par de si folles caresses, laisse jaillir sans retenue le flux merveilleux de mes mots (après de longues et nombreuses années de célibat, l’informaticien entretient un rapport troublant avec son clavier). Dans la vie … non, c’est bête comme début de phrase, on est toujours dans la vie 🙂 Quand je n’écris pas, donc, je suis réservé, timide, austère, froid, distant, taiseux, beau comme un Dieu (je dis ce que je veux, c’est mon blog) et avare d’expressions. Mes euphories peinent à troubler la quiétude de mes traits qui, même tirés, restent de marbre. Mes chagrins diluviens se fracassent contre la paroi lisse de mon impassibilité. Mes émois sont autant de fleurs que le soleil ne touche pas, ils s’étiolent et finissent par mourir dans l’indifférence générale. Par contre, quand j’écris, je suis une gazelle, une abeille gourmande dans un pré de tournesols, un coeur d’adolescent quand celui-ci pose les yeux sur celle qui le trouble, que le charme, qui le rend ivre d’amour et fou de désir. Mes sourires finissent tous en éclats de rire, mes tristesses sont des déluges cataclysmiques, mes frissons sont orgasmiques et ma générosité est exubérante. Oui, je est un autre. Je est deux, au moins. Il y eut Gainsbourg et Gainsbarre, Dr Renaud et Mr Renard … il y a, à présent, Vin-Sang et Sans-Vin. Je n’ai pas leur talent mais j’ai leurs extrêmes qui coulent dans mes veines (en version sans alcool, faut pas pousser non plus).

Vous à qui je n’ai pas osé dire « je t’aime », sachez que, dans le secret de mes écrits, je vous ai inondées d’amour et de bonheur. Vous à qui je n’ai pas pu dire « je ne t’aime pas », tremblez car, dans tapis dans l’ombre de ma plume, je vous (h)ai détestés au point de vous arracher les organes avec les dents (pas tous, bande de pervers, n’allez pas imaginer n’importe quoi), je vous ai planté des clous rouillés dans les yeux et j’ai fait éclater vos coeurs dans mes mains rendues puissantes par la rage. Au final, les unes ont des vies bêtement ordinaires sans moi et les autres continuent de se gratter les testicules en rotant de la bière tiède (peut-être servie par les premières) devant un match de foot.

Je est un autre. C’est sans doute mieux comme ça 🙂 En tout cas, aux yeux de la justice, je pense que c’est nécessaire.

Vincent

Illustration par Comfreak de Pixabay