Je suis ce qu’on appelle « un zèbre ». Non, ça ne veut pas dire que je marche à 4 pattes dans un accoutrement proche du pyjama (mais bon, si l’ambiance s’y prête, ça peut se tenter), mais juste que j’ai une façon de penser atypique … que mon petit cerveau frétillant s’amuse à sauter dans les flaques sur le bas côté plutôt que de suivre sagement le chemin de la norme. Je vous explique en quoi ça consiste ? Allez, zou, tous en pyjamas rayés, on s’en va dans ma savane intérieure.

L’empathie

Pas de cape, pas de slip par dessus un collant, pas d’aptitudes qui pourraient me faire rejoindre le casting du prochain film Marvel mais, pourtant, j’ai un super pouvoir : l’hyper-empathie ! En gros, l’empathie, c’est la capacité à se mettre à la place de l’autre. C’est s’oublier un instant pour adopter les codes mentaux de son interlocuteur et ainsi faire résonner le monde à travers ses yeux. L’empathie, c’est aussi ce verrou moral qui nous bloque l’accès à la pulsion de meurtre 🙂 Je ne tue pas l’autre car j’ai conscience du mal que ça ferait … à lui, en premier, même si ça serait forcément bref, mais aussi à son entourage. Alors, aussi insupportable soit-il, je le laisse poursuivre sa vie en ravalant mes envies de violence physique. L’hyper-empathe, quant à lui, va un peu plus loin dans le processus. En effet, non seulement j’ai conscience des émotions que les autres ressentent mais, en plus, je les ressens aussi … elles s’installent en moi, pieds sur la table de ma fragilité, se servent dans le frigo de mes sentiments et squattent allègrement la meilleure place dans le canapé de mon inconscient. Métaphore foireuse mise à part, ça veut dire que je me mets réellement à la place de l’autre et je « prends » sa douleur (oui, en plus, j’ai tendance à prendre les émotions négatives des gens et à leur laisser les positives … ainsi, je ressens moins fortement la joie de ceux qui m’entourent que leurs tourments). Si je vois un enfant faire tomber sa glace, j’ai les larmes qui me montent aux yeux. C’est inévitable. Si je passe à travers un groupe de personnes, mes collègues à la machine à café, par exemple, je vais absorber toutes les tristesses, frustrations et autres soucis de chacun. Ca va se planter en moi, sans que je puisse l’empêcher. C’est aussi pour ça que, souvent, je baisse la tête quand il y a du monde … que j’ai le regard fuyant dès lors que le groupe est trop important (et que j’évite d’aller à la machine à café aux heures de grande affluence). C’est une façon d’ignorer tous les signaux que les gens me jettent malgré eux. Ca me protège, d’une certaine façon. L’indifférence feinte est une carapace … c’est parce que je ne suis pas assez détaché que j’évite les gens. Je passe pour un asocial alors que c’est justement parce que je suis trop « humain » que je m’isole.

Je ne sais pas si vous avez lu ou vu « La ligne verte » mais c’est souvent l’image qui me vient quand je pense à l’hyper-empathie (passez ce paragraphe si vous ne voulez pas être spoilés). Dans ce récit de Stephen King, adapté à l’écran par Frank Darabont, on rencontre John Coffey, un homme physiquement très imposant qui se retrouve en prison, suspecté d’avoir assassiné deux fillettes. Ce John Coffey a un don, il est capable d’enlever le mal aux gens. Ainsi, il soulagera l’infection urinaire du surveillant principal, il guérira une femme du cancer … A chaque fois qu’il utilise ce don, on le voit « avaler » le mal qu’il extrait de l’autre. Ce mal vient donc en lui et le détruit petit à petit. C’est exactement ce que je ressens. A force de prendre la douleur des autres, je m’use … je m’épuise … J’ai l’impression d’avoir vécu les drames de plusieurs vies. J’ai pleuré plus de larmes que je n’en ai produites car, parmi celles qui ont parcouru mes joues, il y a celles des autres.

L’hyper-empathie, c’est très bien … pour les autres, pour ceux qui m’entourent. En effet, ma capacité à les ressentir, à les comprendre en silence, à vibrer instantanément au même rythme qu’eux font de moi un ami efficace. J’arriverai toujours à me mettre à votre place. Toujours. C’est aussi pour ça que je répète sans cesse « je comprends ». Car, oui, je comprends ce que vous vivez puisque, en étant simplement en face de vous, je le vis aussi. C’est très bien, donc, mais pas pour moi. Vraiment pas. Je ne sais plus qui disait que l’empathie, c’est tendre la main à celui qui est au fond du trou sans y descendre soi-même. Dans mon cas, non seulement je plonge avec vous mais j’ai même tendance à aller un peu plus profondément afin que vous puissiez vous mettre sur mes épaules pour remonter un peu. Je suis une caisse de résonnance et d’amplification de vos douleurs. Quand quelqu’un tombe devant moi, sa douleur légère devient, en moi, une torture. Pire encore, la chute en question va vivre en moi tous ces possibles, toutes les issues auxquelles elle aurait pu avoir droit. Je vais imaginer, et ressentir, une fracture, une plaie ouverte, une luxation, une commotion cérébrale … mais aussi les conséquences de chaque théorie … je vais me demander comment vous amener à l’hôpital rapidement, je vais vivre l’éventuel trajet en ambulance, tellement angoissant … je vais voir les embouteillages, les routes dégradées qui donnent des chocs dans votre corps blessé … je vais ressentir l’inquiétude de vos proches selon chaque scénario … Donc, non seulement je vais ressentir plus fort que vous votre propre douleur mais, en plus, je vais ressentir toutes celles qui auraient pu advenir.

Oui, c’est un peu l’enfer. En fait, non, pardon, pas « un peu ».

L’hyper-sensibilité

Vous en avez déjà eu un bel exemple dans la partie sur l’empathie. Etre hypersensible, c’est ressentir les moindres oscillations du monde. C’est être une plume tellement légère que la moindre brise, aussi légère fusse-t-elle, la fera frémir, voire voler. C’est peut-être pour ça que Robert Zemeckis ouvre son film Forrest Gump sur une plume. Il y a sans doute là une belle allusion à l’hypersensibilité de son personnage principal, si brillamment interprété par Tom Hanks.

Alors, oui, une chanson peut arriver à me faire pleurer, tout comme un livre ou un film (Forrest Gump, dont je viens de parler, en est un parfait exemple). Je peux m’émouvoir à l’excès devant une belle histoire d’amour et m’émerveiller à la moindre gentillesse. Je suis un bisounours, comme le disait quelqu’un cher à mon coeur. Mais l’hypersensibilité, c’est plus que ça … ce n’est pas de la sensiblerie, c’est aussi une perception accrue au travers de l’un ou plusieurs sens. Ainsi, pour ma part, l’ouïe, la vue et le toucher sont particulièrement développés. Alors, non, je n’entends pas le pet d’une mouche à 3 km et n’arrive pas à voir à travers les murs. Je parle bien ici d’une sensibilité, pas d’une capacité. Concrètement, ça veut dire que des sons, des lumières ou des textures peuvent générer en moi une réaction à ce point importante qu’elle mobilise une grande partie de mon attention et donc de mon énergie. Plus concrètement encore 😉 , ça veut dire que, si je suis dans un lieu où il y a du monde, et donc beaucoup de bruit, je vais avoir du mal à ma concentrer sur ce que mon interlocuteur direct me raconte. Chaque son vient parasiter le lien que je tente de maintenir avec l’autre. Ce sont des interférences contre lesquelles je ne peux rien. Et comme mon hyper-empathie n’en loupe pas une pour se faire remarquer, elle profite de cette profusion d’informations pour capter de quoi se nourrir … j’entends un mot, une intonation, une hésitation à la table voisine et je ressens le malaise qui s’installe chez les personnes concernées. Ce malaise s’insinue en moi et on est reparti sur le même schéma que lors de la chute dont je parlais juste avant. Tout ça alors que j’essaye de suivre la conversation dans laquelle je suis engagé au premier plan. Si vous multipliez ça par le nombre de personnes dans la salle et que vous y ajoutez la musique (qui risque fort de m’évoquer des souvenirs et me provoquer des émotions), les bruits de vaisselles, de pas, de portes … vous comprendrez vite que je sois épuisé en fin de soirée. Et ce n’est que pour l’ouïe 🙂 Vous pouvez ajouter toutes les informations visuelles à ce joli maelström.

Le problème du zèbre, c’est qu’il n’a pas le choix. Il ne peut pas faire le tri dans ce qui lui arrive. Tout est traité sur le même plan, que ce soit ce que la personne en face de vous raconte, ce qu’elle fait avec ses mains, les inflexions de sa voix, ce que ses yeux captent, l’expression du visage qu’arbore le serveur qui vient de passer, la tension palpable entre le couple à côté, le grincement que fait la porte qui mène aux cuisines … et, pour chaque information, je cherche une solution … une réponse … une logique. On s’étonne souvent de la piètre efficacité de ma mémoire (« Mais enfin, tu ne te souviens pas ? Je te l’avais déjà dit pourtant ! »). Je pense que c’est une des conséquences de ce trop grand afflux de stimuli. Je ne peux pas tout retenir, surtout quand tout arrive avec le même niveau d’importance. Ca demande un effort immense pour traiter toutes les informations et essayer de ne garder que les plus pertinentes. Si vous voulez me dire quelque chose d’important, préférez les endroits calmes, en tête-à-tête, avec une lumière douce et sans musique. Et, surtout, ne m’en veuillez pas si j’oublie certaines choses. Ce n’est vraiment pas de la mauvaise volonté, ni un manque d’implication. Juste que mon cerveau fonctionne d’une façon différente, c’est tout. Je retiens énormément de choses. Je suis capable de reproduire une conversation, mot pour mot, que j’aurais eue il y a des années de cela. Je vais capter des détails et les retenir à jamais. Et, à côté de ça, je suis incapable de me souvenir de ce que j’ai fait hier. La mémoire, chez moi, ce n’est pas une belle bibliothèque bien rangée dans laquelle se trouvent des informations claires et précises. Non, c’est plus une matière visqueuse et mouvante constituée d’impressions, de sensations, d’intuitions … avec des choses vécues mais aussi avec des rêves, des projections, des envies, des conversations inventées …

Je termine cette partie avec le toucher, dont je n’ai pas encore parlé. Il y a des matières que je ne supporte pas. Ainsi, je ne peux pas toucher du papier journal. Un jour où je racontais ça à mon fils de 10 ans, il m’a demandé : « mais, ça te fait quoi si tu en touches ? ». Question fort intéressante. Comment expliquer ce que ça me fait ? C’est comme manger un aliment qu’on déteste. Il y a une forme de rejet physique. C’est violemment désagréable. Rien que de l’imaginer, je ne me sens pas très bien et, pour la petite histoire, entre deux frappes de touches sur mon clavier, je me frotte les doigts les uns aux autres comme pour effacer la sensation que je viens d’évoquer. Mais ça va au-delà de matière que je déteste ou que j’adore. En effet, j’ai du mal avec l’idée d’être touché ou de toucher les gens. Le contact m’insupporte. Quand un collègue me fait une petite tape amicale dans le dos ou sur l’épaule, c’est une véritable agression pour moi. Je fais semblant que tout va bien mais, au fond de moi, c’est insupportable. En revanche, quand j’ai « accepté » la personne comme faisant partie du très très très très petit groupe de ceux qui peuvent me toucher, je suis hyper tactile (oui, beaucoup de « hyper » dans ce billet mais c’est exactement ça, être zèbre, c’est être dans le « hyper », dans l’exagération et l’exacerbation de tout, tout le temps). Ainsi, en amour, par exemple, je vais avoir besoin de toucher l’autre. Beaucoup. Enormément. Trop 🙂 J’ai besoin de ce contact. C’est comme si mes sentiments transformaient l’autre en aimant. Je suis irrésistiblement attiré par elle/lui. Comme j’ai conscience que ça peut être étouffant pour la personne concernée (et je vais le ressentir, même si ce n’est pas exprimé, empathie et sensibilité obligent), je me retiens, je m’empêche, je me modère. Là aussi, ça me prend une énergie folle … je dois sans cesse doser mes comportements, lutter contre mes excès pour ne pas nuire à l’autre.

Les idéaux

Aaaaaaah les zèbres et leurs idéaux ! Leurs principes, leurs utopies, leurs grandes valeurs.

Petite digression liminaire, si vous me le permettez. Quand on parle de « zèbres », la question de la surdouance est systématiquement abordée. Le zèbre passe pour une personne intelligente, voire très intelligente (on parlera de HPI pour Haut Potentiel Intellectuel). Je réfute catégoriquement cette idée. Je ne suis pas plus intelligent que la moyenne. Différemment intelligent, peut-être, mais pas plus. D’ailleurs, l’idée de hiérarchie dans l’intelligence m’est insupportable (tiens, voilà un principe, justement). En général, les zèbres ont plutôt tendance à se dire moins intelligents que les autres car incapables de comprendre des choses qui semblent pourtant être à la portée du plus grand nombre. Je pourrais vous citer un nombre énorme de choses « simples » que je suis incapable de faire mais ce n’est pas le sujet (et ça m’évitera un grand moment de honte).

Si nous sommes ainsi incapables de comprendre certaines choses dites « simples », c’est justement parce que notre pensée s’articule autour d’une structure cohérente et « juste ». Il y a de la justice dans tout. Une explication à chaque acte. Une façon idéale de vivre chaque situation. Autant la mémoire est très mal rangée, autant les principes, eux, sont clairs, complets et immuables. Cette façon de voir le monde et les relations entre les gens nous rend intransigeants et moralisateurs. Et c’est là que notre incompréhension fait son entrée. Je vais prendre un exemple pour essayer d’illustrer mon propos. Parmi mes « principes », j’ai quelque chose qu’on pourrait formuler de la façon suivante : « si tu aimes une personne et que celle-ci ne va pas bien, tu dois être là pour elle ». Non seulement je le pense mais, en plus, je respecte cette idée à la lettre. Si une personne que j’aime ne va pas bien, je suis là pour elle. Peu importe les circonstances et mon état personnel. C’est simple. En tout cas, dans ma façon d’appréhender le monde. Du coup, si je ne vais pas bien et qu’une personne qui m’aime le sait, je m’attends à ce qu’elle soit là pour moi. Inconditionnellement. Forcément, c’est logique, non ? Oui, je sais, la majorité d’entre vous dira « ça dépend ». Il est horrible ce « ça dépend » pour le zèbre que je suis. Car, justement, dans mon monde, ça ne dépend de rien. C’est une loi, c’est une règle intransgressible et je ne comprends pas comment il peut en être autrement.

C’est pour ça que je parlais d’utopie et d’idéaux. Ma façon de penser est la bonne (ne m’embêtez pas, c’est mon blog, je dis ce que je veux 😉 ) mais uniquement dans un monde … euh … allez, redisons-le … dans un monde de bisounours. D’ailleurs, pour rebondir sur cette notion, les zèbres ne comprennent pas la notion de méchanceté. A quoi ça sert d’être méchant ? A rien. Alors pourquoi ? Et comme il n’y a pas d’explication, en tout cas aucune qui soit acceptable pour un zèbre, cette notion est une anomalie. Un bug dans la matrice. Une coquille sur les tables de la loi.

La pensée en arborescence

Pour rédiger ce billet, j’ai commencé par fixer une structure. Ainsi, chaque point était décidé à l’avance et je me suis obligé à suivre ce plan. C’est horrible 🙂 Cette façon de faire bride ma pensée en arborescence qui adore rebondir sur le moindre détail pour, au final, aller dans toutes les directions, explorer tous les possibles.

Quand je faisais mes études en informatique, j’ai eu l’occasion d’aborder les différents algorithmes qui permettent de déterminer le plus court chemin entre un point A et un point Z (étant sous-entendu qu’il existe plusieurs points entre ces deux extrêmes). Une des possibilités s’appelle « l’algorithme par inondation ». L’idée est d’explorer tous les chemins en même temps. A chaque embranchement, on explore les différentes bifurcations simultanément. C’est une méthode totalement inefficace mais je trouve qu’elle illustre bien ma façon de penser. Je ne suis pas un chemin mais tous les chemins en même temps. Chaque idée, chaque phrase et même chaque mot de chaque phrase est un prétexte à explorer une nouvelle piste. Au bout de chaque piste, on trouve d’autres opportunités de rebonds et on finit par aller loin et dans tous les sens. Pour autant, je ne perds pas le fil et sais exactement ce que je dois trouver. Je finirai par aller au point z mais j’en aurai profité pour visiter tout l’alphabet …. et même peut-être le cyrillique au passage. Cette façon de penser peut être déroutante pour mes interlocuteurs. Ils peuvent avoir l’impression que je m’égare alors que pas du tout. Je peux également passer pour quelqu’un qui ne s’intéresse pas à ce qu’on lui dit. En effet, quand on me parle, j’ai tendance, là aussi, à rebondir sur chaque élément. Je cherche des jeux de mots, je repense à quelque chose que la discussion vient d’évoquer en moi … bref, je papillonne gaiment au-dessus de la conversation. Mais, pour autant, j’écoute. Enfin, la plupart du temps. Car, oui, je le confesse, il m’arrive de décrocher malgré moi. Ma pensée en arborescence ouvre parfois tellement de pistes que tous mes neurones sont mobilisés dans les explorations multiples au détriment de ce qu’on me dit. Il m’arrive régulièrement de revenir, en conscience, dans le propos de mon interlocuteur et de me demander « mais de quoi il parle ? ». C’est comme si j’avais eu une absence et, d’une certaine façon, c’est exactement ce que j’ai eu, j’ai été absent, accaparé par d’autres pensées. Je reviens juste sur l’information la plus importante : « malgré moi ». Car, oui, je vous l’assure, malgré tous mes efforts pour rester concentré, malgré tout l’intérêt que je porte à votre propos, je peux décrocher, malgré moi … contre moi, même. Ca ne vous remet pas en cause et ne déprécie pas votre récit. Vraiment pas. C’est juste que, parfois, il y a trop d’appels d’air, trop de trous noirs qui m’aspirent.

Le bruit permanent

Après avoir lu beaucoup de témoignages, sur le fait d’être zèbre, je note que le point le plus pénible, c’est l’incapacité que nous avons à débrancher notre cerveau. Il y a, en permanence, une activité frénétique qui fait comme un bruit de fond constant. Quand tout vous sollicite, quand la moindre information, le moindre son, la moindre image vous titille, quand tous les détails vous arrivent avec force et quand tout est prétexte à partir dans mille réflexions, forcément, ça vous épuise. Ca sature votre pensée. Intellectuellement et émotionnellement. Je suis en lutte constante, pour rester concentré, pour m’extraire de toutes les sollicitations, pour ne pas sombrer, pour essayer de paraître normal … oui, surtout ça … parce que les zèbres ont peur de l’abandon, se remettent en question toutes les deux secondes et sont persuadés d’être moins bien que les autres … et si je parle au « je », je dirais même que je suis terrorisé par l’idée du rejet … ne pas être aimé … ne pas être compris et accepté … alors je regarde comment les autres font, comment la majorité se comporte et j’essaye de faire la même chose … de me fondre dans la masse. Je lutte contre mes idéaux bafoués et je ravale mes frustrations. Sauf qu’elles restent là. Cachées mais présentes. Et qu’elles s’ajoutent à mes tristesses, à mes colères, à mes incompréhensions et à mes peurs. Tout cela sature encore un peu plus mon esprit qui était déjà trop sollicité. Alors, oui, par moment, je craque. Ca sort mal et au mauvais moment, parfois avec la mauvaise personne, mais ça m’échappe. Parce qu’il y a trop de choses qui me font mal. Parce que ce n’est pas très fort, un zèbre. Parce que le bruit dans la tête devient insupportable. Parce qu’il rend fou. Complètement fou. Et parce que ça me demande une énergie que je n’ai pas quand je vais mal d’expliquer, justement, pourquoi je vais mal. Parce que, pour ce faire, il faudrait que ma pensée soit simple … linéaire … structurée … mais elle ne l’est pas. Etre un zèbre, pour moi, c’est une malédiction. Certains disent le contraire mais je ne sais pas comment ils font.

Alors, si vous croisez un zèbre, soyez indulgents. Ne le jugez pas mal, il ne connaît pas la méchanceté et ne vous veut que du bien. Il est un peu borné mais il y a du bon dans sa façon de voir le monde. Et soyez là pour lui. Prenez-le dans vos bras, s’il est d’accord, et serrez-le fort. Rassurez-le. Rappelez-lui qu’il est quelqu’un de bien et qu’il n’y est pour rien s’il est différent. Il ne semble pas être en souffrance parce qu’il passe pour intelligent mais, au fond, il y a une vraie fragilité en lui. Et c’est bien. C’est acceptable. C’est normal. Aidez-le à s’ancrer. A se centrer. Pardonnez-lui ses excès. Non seulement il les subit plus violemment que vous mais, surtout, ils ne sont pas dirigés contre vous. Apprivoisez le zèbre. Vous verrez, il est étrange et un peu sauvage mais c’est le compagnon le plus fiable et le plus attentionné du monde. Il vous comprendra mieux que quiconque, il saura ce que vous ressentez avant même que vous n’ayez pensé à mettre des mots pour l’exprimer. Au fond, ce que vous donnez à un zèbre, il vous rendra au centuple.

Et toi. Oui, toi, le zèbre qui passerait par ici. Sache que tu n’es pas tout seul. Sache aussi que tu n’y es pour rien. Prends les mots que tu trouves ici ou dans tous les ouvrages qui traitent de nous et sers-t ‘en pour exprimer ta différence … pour l’expliquer aux autres … pour les aider à te comprendre. Et puis, laisse-toi apprivoiser un peu 😉 Accepte les bras. Apprends à lâcher prise même si, je le sais, c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire pour nous. Et préviens quand tu sens que le vase est presque rempli. Dis-le. Simplement. Un « pardon mais je n’y arrive plus, j’ai besoin d’un moment pour souffler » est tout à fait acceptable, surtout si tu as expliqué les choses avant. Communique. Tout est là, dans la communication. Explique aux moldus qui t’entourent qui tu es et ce à quoi ils doivent faire attention avec toi. Et pour ne pas les faire fuir tout de suite, explique-leur aussi ce qu’ils ont à gagner en restant près de toi. Tu es une belle personne.

Vincent