
Ca fait bien longtemps que je ne suis plus venu ici … bien longtemps que je n’ai plus écrit, tout simplement. Ecrire, c’est prendre de la distance. C’est regarder le monde, réel ou imaginaire, prendre le temps de l’observer et poser des mots sur les images qui nous arrivent. Mais parfois, le monde grossit. Il enfle tellement qu’il finit par nous rattraper et nous engloutir totalement. Plus de distance possible. Juste la vie qui nous phagocyte. J’en suis là. J’ai la vie au bord des yeux.
Dans cette période asphyxiante, j’essaye de faire le point avec moi-même … de faire une sorte de bilan … un exercice de vérité, histoire de me retrouver un peu. Me poser face à moi et discuter franchement. Force est de constater que j’ai des choses à me dire, des comptes à régler. Je me suis trahi. Je me suis menti. Et, au final, je me suis perdu. Il y a très longtemps de ça, je savais qui j’étais, ce en quoi je croyais, ce que j’aimais, ce qui me donnait l’envie de me lever chaque jour, ce que j’avais envie d’accomplir. J’étais connecté à moi. En phase avec moi-même. Et puis le chemin s’est compliqué et j’ai fait des choix qui m’ont éloigné de ce que je suis vraiment. Mes envies sont devenues floues, mes besoins de lointains murmures et mes espoirs se sont mués en rêves, puis en illusions perdues. Je suis devenu le personnage d’un roman vécu. Et j’en suis venu à vous mentir. Oui, à vous, amis lecteurs qui me suivez depuis si longtemps (en fait, je sais que personne ne me suit depuis longtemps mais ça flatte mon ego d’écrire ce genre de phrase). C’était un mensonge comme ceux que l’on fait quand on répond « oui oui, très bien » à un « ça va ? » devant la machine à café, le matin. On répond ça sans y croire mais ça donne une image de soi qui est socialement plus confortable et, peut-être aussi, cela nous aide-t-il à y croire un peu. Méthode Coué, en quelque sorte. J’ai été élevé dans l’idée qu’on n’embête pas les autres avec nos problèmes personnels … qu’on ne se plaint pas et qu’on avance … qu’on doit se battre … être forts. Tout va bien. Tout va très bien. Même quand ça ne va pas. Et côté sentimental ? Oui oui, formidable, j’ai la chance d’être marié à une femme extraordinaire avec qui je m’entends à merveille. Sauf que …
Je suis resté 15 ans en couple avec la même personne. Durant ces années, j’ai beaucoup écrit … que ce soit sur mes précédents blogs ou sur d’autres supports. Si on relit tous ces textes, on se dit que l’histoire était belle et que j’étais fou amoureux. On y verra une belle harmonie, une symbiose parfaite entre deux êtres qui ont la chance de s’être trouvés. Et c’est justement là que se situe le mensonge que je vous ai fait. Non, ce n’était pas idyllique. Non, je n’étais pas amoureux. Non, je n’étais pas heureux. Si j’ai chanté tant de fois le contraire, c’est peut-être aussi pour me convaincre que ça pouvait tenir, que je pouvais trouver dans mes mots l’énergie de tenir. C’était aussi une façon de compenser un vide. C’est un réflexe chez moi, quand je suis en souffrance, je donne encore plus. Exagérer la lumière pour masquer l’ombre. Surjouer le mari comblé pour ne pas laisser la vérité transparaître. Pendant toutes ces années, j’ai été aux côtés d’une femme égoïste, impulsive et profondément haineuse, trouvant chez les autres toutes les raisons du monde de les mépriser. Mon syndrome de l’infirmier y a vu une souffrance à laquelle je pouvais apporter quelque chose mais c’était totalement vain. Je ne suis pas psy … pas indestructible … pas magicien … Je ne peux pas changer les gens. Tout ce que je peux faire, c’est les inonder de bienveillance exacerbée. Mais ça ne suffit pas. Et, surtout, ça m’use … ça me vide … ça me détruit. A force de vouloir aider l’autre, à force de m’adapter à ses attentes, à force de me travestir, je finis par me perdre complètement. Je me suis coupé de mes amis, de ma famille, de mes passions, de mes besoins les plus essentiels. Je me suis jeté à corps perdu dans cette histoire qui ressemblait plus à une mission de sauvetage qu’à une vie de couple et j’ai fini par périr. Dire qu’elle n’était pas faite pour moi serait un euphémisme. J’aime les gens, elle les déteste. J’aime les choses simples et concrètes, elle ne vit que dans le superficiel et les complications. J’aime essayer de comprendre les autres, elle ne comprend pas que le monde ose penser autrement qu’elle. Mais j’ai joué le jeu. J’ai forcé le trait. J’ai menti publiquement et lui ai menti aussi. Plus grave, sans doute, je me suis menti à moi-même.
Tout ce que j’ai pu écrire sur cette histoire m’a aussi permis de m’évader. L’écriture m’a toujours aidé, c’est une bouffée d’air frais, une évasion salutaire. Ecrire sur un amour que je prétendais vivre m’a surtout offert la chance d’écrire sur l’amour que je rêve de vivre depuis toujours. C’était une façon d’exprimer pleinement mon côté « amoureux de l’amour ». J’aurais aimé être celui qui se cachait derrière mon « je ». J’aurais aimé que celle qui se cachait derrière le « elle » soit quelqu’un d’autre … mais c’est une autre histoire … j’y reviendrai plus tard. Ne mélangeons pas tout, comme me le conseillait quelqu’un, dernièrement.
Pardon à tous ceux à qui j’ai menti. A tous ceux qui ont cru mes mots. Pardon à moi, aussi … et c’est sans doute le pardon le plus difficile à obtenir.
Vincent